Connaître et reconnaître l'art brut

Naissance de l’art brut

Jean Dubuffet (1901-1985), célèbre peintre français, est à l'origine de l'art brut, un concept qu'il commence à forger en 1945. Premier « vrai » artiste à s’intéresser à cette forme d’art dite psychopathologique, il constitue alors une collection d'œuvres réalisées par des individus un peu différents : patients d'hôpitaux psychiatriques, détenus, et personnes en marge de la société. Dès 1949, Dubuffet organise la première exposition d’Art brut à Paris.

Mais, l'utilisation du terme « brut » devient ambigüe, car toutes les œuvres ainsi désignées ne proviennent pas exclusivement d'artistes considérés comme aliénés. Gaston Chaissac est un exemple notable, qui, bien qu'associé à cette catégorie, ne présente pas de troubles mentaux, contrairement à d'autres artistes internés comme Auguste Millet, Adolf Wölfli, Maurice Blin ou Aloïse Corbaz.

Malgré cette ambiguïté, un marché florissant se développe autour de l'art brut. Depuis 1993, la foire annuelle Outsider Art Fair, dédiée à ces œuvres « folles », attire les amateurs et les collectionneurs à New York.

Caractéristiques de l’art brut

L’art brut est donc non conforme aux conventions académiques. Il se caractérise par exemple par l'utilisation de différents matériaux que les créateurs ont sous la main et une absence totale d'influence des normes artistiques traditionnelles. Les artistes autodidactes qui pratiquent l'art brut créent librement, sans se soucier des jugements extérieurs. Leur motivation réside dans leur propre expression d’une innovation spontanée, sans nécessité de reconnaissance ou d'approbation d’autrui.

Les œuvres d’art brut concernent aussi bien la peinture, que le dessin à la gouache ou à l’encre, l’assemblage et le collage sur papier, sur de la toile, sur du textile, sur panneau, etc.  Certains artistes intègrent même dans leurs œuvres des objets trouvés.

Des œuvres remarquables sont exposées dans des endroits aussi farfelus que leurs créateurs à l’image du Musée d’Art brut et contemporain créé par Ferdinand Cheval dans la Drôme. D’autres sont conservées à la Collection de l’art brut, un musée situé à Lausanne en Suisse. En 1971, Jean Dubuffet a généreusement offert à la Ville de Lausanne l'intégralité de sa collection d'Art brut, comprenant environ 5 000 pièces. 

Estimer la valeur d’une œuvre d’art brut

Pour estimer une œuvre d’art brut, les experts tiennent compte du nom de l’artiste, du support utilisé, de la place de l’œuvre dans le travail de l’artiste, de l’état de conservation.

• Les créateurs

La plupart des créateurs de cet art non académique sont exempts de culture artistique, à l'exception de quelques-uns comme le très cultivé Louis Soutter, ou Eugène Gabritschevsky, un éminent scientifique. Ces hommes font partie des plus estimés aujourd'hui, aux côtés d'autres grands noms comme Henry Darger (1892-1973) et Bill Traylor (1854-1947), ainsi que l'artiste mexicain Martin Ramirez (1895-1963), et le lituanien Friedrich Schröder-Sonnenstern (1892-1982).

Placé dans une institution pour personnes ayant des handicaps mentaux à Lincoln dès son adolescence, Henry Darger laisse par exemple derrière lui un héritage artistique immense. Des centaines de ses aquarelles grand format sont découvertes par hasard plusieurs années après sa mort. Seule une poignée de ses dessins sont mis aux enchères, ce qui augmente considérablement leur valeur. L'une des ventes les plus remarquables a lieu en décembre 2014, lorsque l'une de ses compositions, un dessin recto-verso sans titre, mesurant 3,3 mètres de long, est adjugé 500 000 euros. En 2015, le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris organise une exposition qui lui est dédiée, suite à l'acquisition de 45 œuvres de la succession Darger entre 2012 et 2013.

Les œuvres d’autres artistes comme Madge Gill, Augustin Lesage, Nek Chand, Simon Rodia, Judith Scott, Carlo Zinelli, Shinichi Sawada, Edmund Monsiel, Scottie Wilson, Giovanni Battista Podestà, Joseph Yoakum, Achilles Rizzoli, Philippe Dereux, Oswald Tschirtner, Marguerite Sirvins, Pascal-Désir Maisonneuve, Johann Hauser, Pradeep Kumar, Consuelo González Amezcua, Janko Domsic, Emery Blagdon et Eugene Von Bruenchenhein sont aussi recherchées sur le marché.

• L’état de l’œuvre

Sur une œuvre, le collectionneur identifie les altérations éventuelles d’une œuvre pour pouvoir dresser un constat de l’état de conservation et déterminer le type de restauration à effectuer au besoin.

Pour évaluer l’état d’une œuvre, un premier examen visuel est nécessaire pour noter tout dommage visible comme les fissures, les éraflures, les déchirures ou les déformations. Certains matériaux, comme le bois, le métal, le tissu ou les matériaux organiques, peuvent se dégrader différemment au fil du temps.

On estime que l’art brut a connu un boom en 2014. Cette année-là, une œuvre d’Augustin Lesage se vend 373 000 euros chez Tajan. En sculpture, c’est William Edmondson qui obtient 785 000 dollars. Aujourd’hui, l’art brut maintient sa cote et un nouveau sursaut pourrait s’opérer. 

Les belles ventes d’œuvres d’art brut

Jean Dubuffet est un autre peintre d’exception dans le mouvement artistique brut. Les résultats d’adjudication de ses œuvres enregistrent des ventes record :

- « Paris Polka » en 1961 est une huile sur toile vendue 19 646 000 euros en mai 2015 ;

- l’huile sur toile « Les grandes artères » en 1961 également est adjugée 19 490 000 euros lors d’une vente aux enchères en novembre 2016 ;

- « Être et paraître », est une autre huile sur toile, cette fois-ci adjugée 10 150 000 euros lors d’une vente aux enchères en mars 2017.

L’artiste peintre française Séraphine de Senlis produit également un grand nombre d’œuvres, dont la cote se maintient à un niveau élevé dans le domaine de l’art brut. « Pommier », vers 1928-1930, est par exemple vendu 210 000 euros lors d’une vente aux enchères en mai 2012. Cette huile sur toile estimée entre 100 000 et 130 000 euros mesure 146 x 114 cm. « Marguerites » conçue en 1931 selon une technique mixte est une peinture de 81 x 65,3 cm vendue 150 000 euros pour un prix d’estimation haute de 20 000 euros lors d’une vente aux enchères en juillet 2023.

En dessin-aquarelle, les œuvres d’Adolf Wölfli enregistrent quelques belles ventes, notamment avec « Der San Salvathor » en 1926, un dessin au crayon graphite de 148,6 x 210,8 cm adjugé 565 000 euros en octobre 2018. « China-Engel », un dessin au crayon de couleur sur papier réalisé en 1916 est quant à lui vendu 164 000 euros en juin 2017.

Oeuvres d’art brut adjugées chez MILLON

Découvrez quelques œuvres d’art brut adjugées aux ventes aux enchères de la Maison MILLON et faites estimer la vôtre ! 

Les ventes à 6 chiffres restent rares, certaines œuvres s’achètent pour quelques milliers d’euros.

- Une croix sans titre de Gaston CHAISSAC (1910-1964) en 1961 est adjugée 20 000 euros. Cette huile sur bois de 96 x 72 x 0,5 cm, signée en bas provient d'une collection particulière à Paris. Un certificat de Monsieur Le Guilloux daté du 29 janvier 2013 est remis à l'acquéreur ;

- « Wettlauf zwischen Kopf und Beinen » en 1961 par Friedrich SCHROEDER-SONNENSTERN (1892-1982) est un dessin au crayon de couleur sur carton adjugé 3 800 euros. L'oeuvre est signée, datée et titrée et contresignée au dos. Elle provient d'une collection particulière en Allemagne ;

- Un dessin-aquarelle sur papier de 17 x 20 cm par Eugène GABRITSCHEVSKY (1893-1979) est vendu 750 euros. Il provient de la galerie Alphonse Chave et porte son cachet ainsi qu'une étiquette « vente BARALIPTON » juin 1964 ;

- « Présence fugace » par Jean Dubuffet en 1973 est une sérigraphie en couleurs adjugée 13 500 euros. Il s'agit d'un portfolio de 6 épreuves chacune monogrammée, datée et numérotée 62/100. Il est répertorié dans le catalogue raisonné volume II, édition Baudoin Lebon, Paris, 1991, reproduit sous le n° 1159-1164 ;

- « Personnage à tête d'aigle » par Auguste FORESTIER (1887-1958) est une sculpture en bois polychrome à technique mixte haute de 55 cm et profonde de 11 cm adjugée 40 000 euros. Elle provient de la collection Marguerite Bonnet.

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