« On ne sait ce que l’on admire le plus, de la libre et ardente spontanéité qui est l’un des charmes de ce talent, ou bien de la calme méditation qui ordonne trous les émois de cette sensibilité frémissante et transforme leurs plus subtiles délicatesses en toile d’une sereine et logique splendeur »
De Georges Lecomte, 5 janvier 1907, au sujet de l’exposition de Lucie Cousturier à la galerie Druet du 16 au 31 janvier 1907, in Adèle de Lanfranchi, Lucie Cousturier 1976-1925, Paris, DL, 2008.
En 1876, Lucie Cousturier naît à Paris au sein d’une famille de collectionneurs. Très tôt, elle découvre l’œuvre de Georges Seurat, auquel elle consacre un ouvrage en 1926, puisqu’en 1900 son père acquiert Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte. La proximité avec ces œuvres la pousse finalement à développer sa fibre artistique et à devenir l’élève de Paul Signac ainsi que d’Henri-Edmond Cross, dont le style pointilliste s’inscrit dans la lignée de l’impressionnisme du XIXe siècle.
Lucie Cousturier commence à exposer au Salon des Artistes indépendants à partir de 1901 jusqu’en 1921. Elle accède également au Salon de la Libre esthétique en 1906 et fait l’objet de plusieurs expositions personnelles entre 1906 et 1913, notamment en 1907 à la galerie Druet. C’est à l’occasion de ces expositions, qu’elle et son mari artiste et critique d’art, nouent des amitiés avec d’autres peintres célèbres tels que Maximilien Luce, Paul Signac, Charles Angrand, Théo van Rysselberghe etc.
Au cours de sa carrière, l’artiste expérimente un large panel de sujets ; du portrait au paysage en passant par la nature morte. Parmi ces paysages, la Côte d’Azur et les vues de Saint-Tropez occupent une place importante de son œuvre puisque l’artiste part s’installer dans le sud de la France durant la Première Guerre mondiale. Cette région baignée de soleil, véritable terrain d’expérimentation chromatique, la pousse à développer une palette vive et ardente, non loin des aspirations fauves. En effet, la lumière est un élément constitutif et indispensable à la composition et l’harmonie de ses toiles. Or avec la couleur, Lucie Cousturier cherche à suggérer les effets de la lumière et son intensité. La couleur devient ainsi sa propre lumière au sein de ses œuvres.
L’artiste possède également une réelle « liberté spontanée » (Adèle de Lanfranchi, Lucie Cousturier 1976-1925, Paris, DL, 2008, p. 37), un goût pour les scènes saisies sur le vif. Elle travaille une touche vibratoire inspirée de l’enseignement de Signac. Son objectif n’est pas de représenter fidèlement ce qu’elle voit, mais de créer une impression d’ensemble, d’évoquer plus que de retranscrire. Cette manière de peindre lui permet de mettre en valeur les couleurs, d’impacter notre regard, de marquer notre sensibilité, de créer ce frémissement évocateur d’une émotion profonde.
C’est en raison de ces qualités esthétiques et artistiques que les œuvres de Lucie Cousturier se retrouvent aussi bien dans les collections publiques, comme au musée d’Orsay, au musée de l’Annonciade de Saint-Tropez ou encore le musée d’Indianapolis, que dans les collections privées. L’œuvre que nous avons l’honneur de présenter à l’occasion de notre vente a ainsi fait l’objet d’une exposition posthume au Grand Palais en 1967 intitulée « Le début du siècle aux indépendants 1902- 1905 ».