BAYA (Fatma Haddad Mahiedinne) (Algérie, 1931-1998)
Femme au vase bleu, 81
Gouache sur papier
100x75cm
Signé et daté en bas au milieu (19)81
Contresigné et daté au dos (19)81
« Je ne sais pas si je peux dire que j’ai été influencée par eux. J’ai l’impression inverse, qu’on m’a emprunté des couleurs par exemple. Des peintres qui n’utilisaient pas le rose indien se sont mis à l’utiliser. Or le rose indien, le bleu turquoise ce sont les couleurs de Baya, elles sont présentes dans ma peinture depuis le début, ce sont les couleurs que j’adore. »
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Une enfance entre misère et espoir (1931-1943)
« J’ai vécu dans une maison merveilleuse. Marguerite connaissait des écrivains. Mais quand on est jeune, on ne se rend pas compte de cela, on trouve
cela normal, c’était logique. [...] Il y avait de belles choses, de beaux objets, vous voyez l’ambiance dans laquelle je vivais ».
Née à Fort-de-l’Eau (aujourd’hui Bordj El Kiffan), dans les environs d’Alger, Baya perd son père, puis sa mère avant l’âge de 5 ans. À la fin des années 30, elle est recueillie par sa grand-mère paternelle, qui travaille ponctuellement dans la ferme de Simone Farges à Fort-de-l’Eau. Là, Baya aide sa grand-mère et crée avec ce qu’elle a. Marguerite Carminat, sœur de Simone, observe les œuvres de celle qui n’est encore que « Fatma » et perçoit les facultés de Baya. Une réelle affection réciproque s’installe entre les deux femmes, et Marguerite installe Baya avec elle à Alger, en 1943. La jeune artiste découvre alors la collection d’œuvres d’Art moderne de Marguerite, parmi lesquelles Picasso, Braque, Matisse, Miro. Elle côtoie également le cercle de Marguerite qui reçoit de nombreux artistes, écrivains et acteurs de la vie culturelle algéroise : Jean Peyrissac, Henri Matisse, André Gide, Jean Sénac… La suite est connue : Aimé Maeght séjourne à Alger en 1945. Jean Perissac lui montre les gouaches de Baya. Enthousiasmé, Aimé Maeght les montre à André Breton, et Baya figure à l’Exposition internationale du Surréalisme à la Galerie Maeght, à Paris, en juillet 1947.
La rencontre avec Marguerite, Aimé, André, Pablo, Georges (1943-1952)
« Je ne sais pas si je peux dire que j’ai été influencée par eux. J’ai l’impression inverse, qu’on m’a emprunté des couleurs par exemple. Des peintres qui n’utilisaient pas le rose indien se sont mis à l’utiliser. Or le rose indien, le bleu turquoise ce sont les couleurs de Baya, elles sont présentes dans ma peinture depuis le début, ce sont les couleurs que j’adore. »
La période 1943-1952 couvrant l’adolescence et la jeune vie d’adulte de Baya est bien connue et répertoriée. La rencontre entre la jeune artiste et une élite artistique parisienne de passage à Alger la propulse jusqu’en France, auprès des plus grands galeristes et artistes de l’époque.
L’exposition éponyme de novembre 1947 chez Maeght rencontre un franc succès : la naïveté picturale de la jeune artiste de 16 ans émerveille le Tout-Paris. André Breton, figure emblématique du surréalisme, signe la préface ; Mme Vincent Auriol, épouse du président de la République, assiste au vernissage, ainsi que le gouverneur général de l’Algérie, le grand recteur de la mosquée de Paris, ou des personnalités comme Albert Camus. Quelques mois plus tard, Baya fait la couverture en couleur du magazine de mode Vogue (édition française) grâce à l’intervention de la romancière Edmonde Charles-Roux.
Elle est alors invitée comme pensionnaire à l'atelier de céramique Madoura à Vallauris. Elle y séjourne de 1948 à 1952 et y travaille notamment aux côtés de Picasso, qui l'appelait « La Berbère ». La réciprocité de cette relation artistique a laissé une empreinte sur les deux artistes. Picasso a nourri l'esthétique de Baya - en particulier son utilisation de la couleur et de la ligne, tandis que la vitalité culturelle de Baya a été un élément créatif pour Picasso. Il évoquera son séjour à Madoura avec Baya comme l’une de ses inspirations – avec la mort de Matisse – de sa série « Les femmes d’Alger », ensemble de 15 tableaux et dessins réalisés à partir de 1954.
Provenance :
Ancienne collection de Monsieur M. (1924-2016), puis par descendance.