"L’explication orphique de la Terre est le seul devoir du poète"[1]
Denise Gatard, de son nom de naissance Denise Jouve[2], naît en 1908 à Fontenay-sous-Bois
Après des études d’Arts appliqués à l’École Duperré à Paris puis de dessin à l'Académie de la Grande Chaumière, elle entre en 1929 dans l’atelier de laque de Jean Dunand. Auprès du maître, Denise Jouve apprend les subtilités de la laque et du travail de la poudre d’or, notamment en travaillant à la réalisation des panneaux monumentaux des "Jeux et Joies de l’Homme" qui décoreront le paquebot Normandie.
En 1931, la jeune artiste épouse Jean Gatard, militaire et polytechnicien. Avec lui, elle fera un long séjour en Indochine de 1933 à 1936 durant lequel elle réalise de nombreux dessins des paysages et visages qui l’entourent tout en commençant à sculpter la glaise. Le couple voyage ensuite entre le Maroc et l’Algérie de 1938 à 1941, années durant lesquelles Denise Gatard approfondit son travail de sculptrice.
Fin 1941, l’engagement de Jean dans la Résistance et les Services spéciaux de l’Armée Française contraint la famille Gatard à rentrer en France, à Limoges. Suite au décès de son mari fusillé par l’armée allemande en 1943, Denis Gatard rejoint Paris et devient céramiste pour gagner sa vie. En 1945, son frère Georges (Jouve) s’installe lui aussi dans un atelier parisien et la fratrie Jouve s’engage dans une pratique de la céramique qui participera des jalons de cet Art dans les Années 50.
Lors, depuis son atelier de la rue Guénégaud, Denise Gatard expérimente sans relâche la matière, les formes et les émaux. Ses premières réalisations s’apparent à celles de son frère dont elles partagent la discrète asymétrie et les émaux noirs et blancs, qu’elle fait contraster avec des couleurs plus douces et personnelles comme le vert anis ou le jaune paille. L’artiste affirme ensuite son style en développant une nouvelle manière d’émaillage intégrant le lustre de l’or, du cuivre ou de l’oxyde de fer sur fond noir, rappelant l'univers de la laque. Modulant les nuances métalliques jusqu’à obtenir un émail mordoré devenu sa signature, Denise Gatard passe d’une création de pièces uniques au colombin à de petites séries estampées ou coulées lorsqu’elle acquiert son premier four en 1947.
De cette même année 1947 date sa première participation au Salon des Arts Décoratifs, suivie en 1948 par une première exposition à la Galerie de l’Arcade aux côtés de Mado Jolain. Puis, en 1950, Denise Gatard se remarie avec le décorateur Maurice Pré et s’installe dans le 6ème arrondissement où elle emploiera plusieurs assistants dans son nouvel atelier du 10 rue de Buci (qu’elle occupera jusqu’à la fin de sa vie). Sa production de céramique a en effet beaucoup augmenté alors et l’artiste a notamment besoin d’aide pour la réalisation des moules de ses pièces. Ce faisant, Denise Gatard élargit le champ de ses expositions publiques au Salon des Arts Ménagers, auquel elle participe à partir de 1951 et dans différentes galeries comme La Crémaillère ou La Demeure.
Si l’artiste est rattachée à sa production de céramiste, elle réalisa également des sculptures en métal fondu ou des panneaux décoratifs à évocation de la faune rencontrée durant ses voyages. Au tournant des Années 60, Denise Gatard abandonne d’ailleurs les pièces de formes pour se consacrer à la création de bijoux et boutons en céramique, laque et résine. Elle travaillera ce faisant pour de grands couturiers, au premier rang desquels la romantique Nina Ricci, et exposera à la Galerie du Siècle de Saint-Germain-des-Prés.
Denise Gatard décède en 1991. Au terme d’une vie de création, dont la redécouverte est encore récente, l’artiste aujourd’hui cette assertion d’Henri Menjaud[3] :
"Quelle que soit sa volonté d'échapper à la matière, le céramiste demeure soumis à des lois intransigeantes, qui sont celles du feu. Le travail mystérieux et précis qui s'élabore entre les parois de son four rend vaine toute tentative d'évasion hors des lois de la technique. Celle-ci, plus qu'en aucun autre domaine, impose à l'art du céramiste une armature rigide, mathématique peut-on dire, qui le restreint singulièrement. Et cependant sa diversité est quasi infinie."
[1] Stéphan Mallarmé dans une lettre à Paul Verlaine du 16 novembre 1885 citée in Autobiographie : lettre à Verlaine / Stéphane Mallarmé, 1991, page 15.
[2] son frère cadet est Georges Jouve, qui deviendra lui aussi un des plus grand céramistes des Années 50
[3] in Art et Décoration 1936 (Tome LXV), page 108